Qu’est-ce que la propriété intellectuelle ?

Je vous propose aujourd’hui de nous intéresser à la notion de “propriété intellectuelle”.

En effet, en ma qualité d’avocat en propriété intellectuelle, je constate souvent la plus grande confusion à ce sujet.

Il me semble donc intéressant d’en revenir aux bases.

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Créations et signes distinctifs

La propriété intellectuelle est la branche du droit qui contient les règles relatives à la protection et à l’exploitation (au sens large) des créations intellectuelles et des signes distinctifs.

Parmi les créations intellectuelles, l’on retrouve notamment :

Parmi les signes distinctifs, l’on retrouve notamment :

Propriété littéraire et artistique vs. propriété industrielle

L’on divise parfois la propriété intellectuelle en deux branches : (i) la propriété littéraire et artistique et (ii) la propriété industrielle.

La propriété littéraire et artistique couvre essentiellement les droits d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur (comme les droits de l’artiste-interprète sur ses prestations).

La propriété littéraire et artistique réglemente donc la protection et l’exploitation (au sens large) des oeuvres de l’esprit ou des oeuvres littéraires et artistiques, et tous les droits (exclusifs, à rémunération, etc.) qui se rattachent à ces oeuvres.

Si vous voulez en savoir plus sur la propriété littéraire et artistique, je vous renvoie à mon billet intitulé Le droit d’auteur en définitionsainsi qu’à mon livre, Le droit d’auteur en questions, dont le premier tome est sorti en septembre 2022.

La propriété industrielle couvre, quant à elle, tout le champ des signes distinctifs (marques, noms commerciaux, dénominations sociales …) et les créations plus “industrielles” (j’insiste sur les guillemets) comme les inventions techniques, l’apparence extérieure ou la forme des produits, les obtentions végétales…

La propriété industrielle, par opposition à la propriété littéraire et artistique (droits d’auteur et droits voisins), couvre et inclut donc le droit des marques, le droit des brevets, le droit des dessins et modèles…

La distinction entre la propriété littéraire et artistique, d’une part, et la propriété industrielle, d’autre part, peut être trouvée, dès l’origine, dans les deux grandes conventions internationales en matière de propriété intellectuelle datant du 19ème siècle :

  • la Convention de Berne de 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques ; et
  • la Convention de Paris de 1883 pour la protection de la propriété industrielle.

En pratique, la distinction entre les deux branches de la propriété intellectuelle n’est pas toujours aussi nette

Conceptuellement, il faut éviter de croire (et telle est la limite des catégorisations et définitions) que tout ce qui est “industriel” serait exclu de la propriété littéraire et artistique ; et qu’à l’inverse tout ce qui est “artistique” serait exclu de la propriété industrielle.

Telle est la raison pour laquelle j’insiste ci-dessus sur les guillemets lorsque je parle de créations “industrielles” et “artistiques”.

Je m’en explique ci-dessous au travers de plusieurs exemples.

Le droit d’auteur (qui, comme expliqué ci-dessus, fait partie de la propriété littéraire et artistique) protège également les programmes d’ordinateur, les logiciels, les lignes de code, etc. Malgré le fait qu’un programme d’ordinateur est davantage industriel qu’artistique ; et que les programmes d’ordinateur peuvent être vus comme des créations industrielles, ils tombent pourtant bien dans le champ de protection de la propriété littéraire et artistique. La même réflexion peut être opérée pour la protection des bases de données qui sont (entre autres) protégées par le droit d’auteur et donc la propriété littéraire et artistique.

Au-delà des cas particuliers des programmes d’ordinateur et des bases de données qui viennent d’être évoqués, il faut bien comprendre que le droit d’auteur ne protège pas uniquement les oeuvres des Beaux-Arts ou les oeuvres d’art, mais bien plus largement toute création intellectuelle propre à son auteur qui est originale ; ce qui fait qu’en pratique, le droit d’auteur est fréquemment utilisé pour protéger des oeuvres qui sont plutôt fonctionnelles, commerciales, industrielles, etc. Pensons, par exemple, aux modes d’emploi de consoles de jeux vidéos, de smartphone ou encore de télévision. A l’évidence, ces modes d’emploi sont plus fonctionnels qu’artistiques. Pourtant, lorsque des juges ont accepté leur protection par le droit d’auteur, ces oeuvres sont entrées dans le champ d’application de la propriété littéraire et artistique. Même chose pour les pièces détachées de voiture : il existe de la jurisprudence qui a reconnu leur protection par le droit d’auteur.

Dans le sens inverse, il faut également relever que des objets considérés comme “artistiques” pourront faire l’objet d’un dépôt au titre de dessin ou modèle (design) en ce qui concerne leur apparence extérieure ou leur forme. L’on pense, par exemple, à des objets de décoration ou à des bijoux. Pourtant, les dessins et modèles appartiennent à la propriété industrielle et non à la propriété littéraire et artistique. Il est aussi intéressant de noter ici qu’il peut exister un cumul de protections entre le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles.

Autre exemple : une marque (qui relève pourtant de la catégorie de la propriété industrielle) peut couvrir un signe distinctif qui est une création artistique (et parfois même qui est aussi protégée par le droit d’auteur). Si vous déposez comme marque la représentation d’une sculpture ou d’une peinture (éventuellement accompagnée d’un ou plusieurs mots), ce que vous déposez comme marque sera une représentation artistique. De même, pensons aux marques “Tintin”. Comme je l’ai déjà expliqué ici, “Tintin” est une création d’Hergé et est protégé par le droit d’auteur. Les marques “Tintin” (qu’elles soient composées du nom “Tintin” et/ou d’une représentation graphique de “Tintin”) couvrent donc des oeuvres littéraires et artistiques au sens du droit d’auteur. Il n’est donc pas rare qu’une marque (qui ressort de la propriété industrielle) fasse appel à des créations (qui ressortent de la propriétaire littéraire et artistique).


Pour plus d’informations sur ma pratique de la propriété intellectuelle, voyez notamment :

Voyez également :

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles