Produits de marque et customisation, quid de la propriété intellectuelle ?

Photo by Cesar Carlevarino Aragon on Unsplash

Récemment, la société Nike a fait savoir qu’elle souhaitait mettre un terme au phénomène de la « customisation » de ses baskets par des tiers.

De quoi s’agit-il ?

Des tiers (souvent des sociétés commerciales) se procurent des chaussures officielles vendues par Nike et les modifient (par ex. avec le concours de grands artistes); puis revendent ces chaussures « customisées » plus cher.

Un exemple: les Satan Shoes, des Air Max 97 customisées sur le thème de l’enfer, sans l’accord de Nike, et vendues en exemplaires limités (666 !) à plus de 1.000 dollars.

Où est le problème ?

Le problème est multiple.

Sur le plan de la propriété intellectuelle, Nike peut certainement revendiquer des droits sur ses modèles de chaussure (leur forme, leur apparence, leur texture, les éléments décoratifs, l’agencement global, etc.).

Or, nul ne peut modifier un modèle de chaussure protégé par un droit de propriété intellectuelle (par ex. le droit d’auteur ou le droit sur le dessin ou modèle) sans l’autorisation du titulaire de ce droit.

Modifier les éléments décoratifs d’un modèle de chaussure pose déjà donc, en soi, un problème.

Et le droit des marques !

Mais au-delà du modèle de chaussure lui-même et de ses éléments décoratifs, il existe également un problème de droit des marques (à propos du droit des marques, voyez en détail ici).

En effet, les marques Nike sont bien présentes sur les modèles de chaussure (et ce souvent à plusieurs titres : la marque figurative en forme de « virgule », la marque verbale « Nike », une marque plus spécifique comme par exemple « Air Max », etc.).

Or, si le tiers modifie un modèle de chaussure qui, par exemple, comporte la « virgule » Nike sur le flanc extérieur (ce qui est très souvent le cas chez Nike), alors cette « virgule » est de facto présente sur le modèle vendu par le tiers.

Or, ce tiers – s’il n’y a pas été autorisé par Nike (par ex. via un contrat de licence ou d’exploitation) – n’a pas le droit d’exploiter cette « virgule » qui est enregistrée comme marque.

Le tiers se rend ainsi de facto coupable de contrefaçon de marque, puisqu’il vend des produits (chaussures) sous une marque (Nike) sur laquelle il n’a aucun droit.

Le fait que le produit (la chaussure) provient originairement de Nike n’y change rien puisque le tiers a modifié le produit. Ce produit n’est donc pas (entièrement) un produit « authentique » de Nike (en droit européen, la règle de l’épuisement du droit à la marque n’est, d’ailleurs, pas applicable lorsque les produits sont modifiés ou altérés).

Le tiers vend, dès lors, un produit qui n’est pas « authentique » sous une marque qu’il n’a pas le droit d’exploiter. Tel est le noeud du problème !

Une autre manière de présenter les choses, en droit des marques, est la suivante : les consommateurs risquent de croire que les chaussures « customisées » sont des produits authentiques de Nike, alors qu’ils ne le sont pas (puisque Nike n’a pas autorisé ces produits, ne les a pas validés, etc.). Il y a donc là un risque d’erreur – un risque de confusion – sur la provenance ou l’origine des produits. Or, l’on sait que la fonction essentielle d’une marque est de garantir l’origine des produits (c.à.d. que l’on sache que les produits vendus sous cette marque proviennent bien de telle entreprise bien particulière, et non d’une autre entreprise).

De même, Nike jouissant d’une grande notoriété, l’on pourrait considérer que le tiers tente ainsi de tirer indûment profit de la notoriété de Nike pour vendre ses propres produits (sans y avoir été autorisé par Nike).

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles