Droit des marques Benelux : UBER contre ÜBER
La société américaine Uber Technologies Inc., qui exploite la célèbre application de transport de voyageurs, a intenté une procédure d’opposition, devant l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle (OBPI), à l’encontre de la marque ÜBER déposée par une société néerlandaise pour des jeux en classe 28.
A l’appui de son opposition, la société Uber Technologies Inc. invoquait l’une de ses marques UBER, en l’occurence la marque UE n°018055443, enregistrée pour divers produits et services en classes 9, 12, 35, 39, 42 et 45.
Les signes en litige sont les suivants (à gauche, la marque verbale de la société Uber Technologies Inc. ; à droite, la marque semi-figurative contestée) :
La portée de l’opposition
L’opposition, introduite par la société Uber Technologies Inc., était fondée sur deux moyens :
- l’existence d’un risque de confusion entre UBER et ÜBER, compte tenu de la similitude entre (i) les signes en cause et (ii) les produits et services visés par les marques en litige ;
- l’atteinte à sa marque renommée UBER.
L’atteinte à la marque renommée était invoquée, à titre subsidiaire, notamment pour couvrir le scénario où l’OBPI viendrait à conclure que les produits et services, visés par les marques en litige, ne sont pas similaires.
En effet, l’article 2.2ter, al. 3, de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (CBPI), prévoit, en substance, qu’une marque qui est identique ou similaire à une marque antérieure renommée peut être refusée à l’enregistrement même si les produits ou services sont différents. Il s’agit d’une exception au principe de spécialité pour les marques renommées. Si la question des marques renommées vous intéresse, je vous renvoie à l’affaire Jaguar.
Pour tenter d’établir sa renommée, la société Uber Technologies Inc. a notamment déposé des sondages montrant que plus de 60% des Néerlandais connaissent la marque UBER.
La décision de l’OBPI
Dans sa décision du 30 mai 2023, l’OBPI va estimer que l’opposition est fondée.
La marque ÜBER déposée par la société néerlandaise ne peut donc pas être enregistrée pour des jeux en classe 28.
L’OBPI va, en effet, conclure à l’existence d’un risque de confusion entre UBER et ÜBER.
Au niveau de la comparaison des marques en litige, l’OBPI estime que les signes UBER et ÜBER sont identiques et/ou très similaires d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel.
Au niveau de la comparaison des produits en cause, l’OBPI considère que les jeux, visés en classe 28 par la marque contestée, sont similaires aux logiciels (“computersoftware”), visés en classe 9 par la marque antérieure.
Ceci peut surprendre à première vue, mais l’OBPI estime que les jeux couverts par la marque contestée ne sont pas limités aux jeux physiques. Sont, dès lors, également couverts les jeux dématérialisés ou digitaux. Or, ces jeux-là sont souvent composés d’un logiciel et/ou basés sur un logiciel. C’est, pour ce motif, qu’il existe un lien et une similarité entre les jeux de la classe 28 et les logiciels (“computersoftware”) de la classe 9.
Au moment d’apprécier le risque de confusion, l’OBPI relève simplement que vu (i) l’identité et/ou la grande similarité entre les signes en litige et vu (ii) la similarité des produits pertinents, il existe un risque de confusion, en ce sens que le public pourrait croire, à tort, que les produits offerts, de part et d’autre, proviennent de la même d’entreprise ou, à tout le moins, d’une entreprise liée économiquement.
Pour ce motif, l’opposition est fondée et la marque ÜBER déposée par la société néerlandaise est refusée à l’enregistrement.
Vu l’existence d’un risque de confusion, l’OBPI n’a pas besoin de se prononcer sur la renommée de la marque UBER de la société Uber Technologies Inc.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez en savoir plus sur le droit des marques, vous pouvez consulter les articles suivants :
- Droit des marques : comment ça marche ? (Partie 1)
- Droit des marques : comment ça marche ? (Partie 2)
Vous pouvez également retrouver tous les articles que j’ai écrits en lien avec le droit des marques en cliquant ici.
Et si vous cherchez un avocat en droit des marques, vous pouvez, bien entendu, me contacter.
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles