Les oeuvres dérivées en droit d’auteur

Photo de Tobias Keller sur Unsplash

La notion d’oeuvre dérivée

En droit d’auteur, une oeuvre dérivée est une oeuvre qui est créée à partir d’une oeuvre existante.

Ainsi, par exemple, l’adaptation cinématographique d’un roman est une oeuvre dérivée.

Il en va de même pour une traduction.

Comme je l’écris dans Le droit d’auteur en questions (paru en 2022 chez Anthemis) :

“L’on songe notamment aux traductions, aux adaptations, aux « remakes », aux mises à jour, aux compilations, aux anthologies, etc. Les objets de merchandising (c’est-à-dire les objets dérivés) sont également des oeuvres dérivées” (p.18).

Au plan terminologique, certains utilisent parfois les expressions “oeuvres composites”, “oeuvres secondes” et “oeuvres transformatrices”.

Quelle que soit la terminologie employée, il s’agit de la même notion, à savoir une oeuvre créée à partir d’une oeuvre existante (voyez, sur ce point, Le droit d’auteur en questions, note 159).

L’autorisation préalable de l’auteur de l’oeuvre existante

Avant de créer, et surtout d’exploiter, une oeuvre dérivée, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’auteur de l’oeuvre existante.

Sauf, bien entendu, si l’oeuvre existante appartient au domaine public.

Comme je vous l’expliquais dans mon article Droit d’auteur : adapter c’est reproduire, certaines oeuvres de Tolkien ont pu être adaptées au cinéma ; d’autres pas.

La raison de cette différence de traitement est simple à comprendre :

  • Pour certaines oeuvres, l’adaptation a été consentie par Tolkien de son vivant (Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit).

  • Pour les autres, cela n’a pas été le cas, et la Fondation Tolkien – le titulaire actuel des droits – ne donne pas son autorisation.

  • Ainsi, par exemple, s’agissant du Silmarillion, la Fondation Tolkien écrit : “While understanding the wish of many fans to see a film of The Silmarillion, the Tolkien Estate has no current plans for any such motion picture”.

Cet exemple illustre bien le principe : pour créer et exploiter une adaptation (ou, plus largement, une oeuvre dérivée), il faut obtenir l’autorisation de l’auteur de l’oeuvre existante (ou des ayants droit de cet auteur : ses héritiers, ses cessionnaires…).

La protection de l’oeuvre dérivée

L’autre grande question qui se pose en matière d’oeuvres dérivées est celle de leur protection.

Une oeuvre dérivée peut-elle être protégée par le droit d’auteur ?

La réponse est affirmative.

Pour reprendre les exemples ci-dessus, il est évident que les films de Peter Jackson adaptant Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit sont protégés par le droit d’auteur.

Mais, et c’est une précision importante, pour être protégée par le droit d’auteur, l’oeuvre dérivée doit manifester une originalité propre.

Comme je l’explique dans Le droit d’auteur en questions :

“(…) l’oeuvre dérivée doit, pour être protégée, manifester une originalité propre – c’est-à-dire qu’elle ne doit pas se contenter de reproduire les éléments originaux de l’oeuvre première et, au demeurant, qu’elle doit témoigner d’un minimum de créativité.

Une traduction trop littérale pourrait ainsi se voir barrer l’accès à la protection (car trop banale et pas créative)”.

Les oeuvres dérivées et la CJUE

S’agissant de la protection par le droit d’auteur des oeuvres dérivées, il faut signaler ici une affaire toute récente portée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Il s’agit de l’affaire C-649/23, Institutul Calinescu.

La question préjudicielle posée est la suivante :

“L’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information doit-il être interprété en ce sens que l’édition critique d’une œuvre, dont l’objectif est d’établir le texte d’une œuvre originaire, en consultant le manuscrit [et en l’accompagnant] de commentaires et de l’apparat critique nécessaire, peut être considérée comme une œuvre protégée par le droit d’auteur ?”.

C’est une affaire à suivre absolument, tout comme les affaires Mio et USM Haller.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les mois à venir seront riches en matière de droit d’auteur européen !

PS. Quoi de mieux qu’un paysage époustouflant, en Nouvelle-Zélande, pour illustrer un article qui évoque Tolkien et les adaptations cinématographiques de Peter Jackson ?

FredericLejeuneLogo

Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles