Lionel Messi et le droit des marques

Jamais deux sans trois !

Continuons à nous intéresser au droit de la propriété intellectuelle d’un point de vue sportif.

Après les matchs de football et leur protection par le droit d’auteur, et après les mésaventures de Roger Federer avec sa marque RF, je vous propose aujourd’hui d’évoquer le cas du footballeur Lionel Messi et de sa marque éponyme.

Lionel Messi a, il y a quelques années, voulu faire enregistrer pour le territoire de l’Union européenne la marque “MESSI” (avec des aspects figuratifs) pour des produits tels que des vêtements, des chaussures et des articles de gymnastique et de sport. Il s’agit de la marque suivante :

Représentation de la marque issue de l’arrêt T‑554/14

La fiche de cette marque peut être consultée au Registre EUIPO via l’adresse :

https://euipo.europa.eu/eSearch/#details/trademarks/010181154 

Premier constat : bon réflexe, contrairement à Roger Federer, Lionel Messi a bel et bien déposé lui-même sa marque (et n’a pas laissé son sponsor ou un autre tiers déposer sa marque). Le registre indique, en effet, que le titulaire de la marque en question est Lionel Andres Messi Cuccittini.

Malheureusement pour Lionel Messi, un fabricant de vélos espagnol, titulaire de la marque européenne antérieure “MASSI”, a lancé une procédure d’opposition contre la marque que le footballeur venait de déposer.

Le fabricant de vélos espagnol estimait, en effet, qu’entre “MESSI” (dépôt par le footballeur) et “MASSI” (sa marque antérieure), il existait un risque de confusion, les signes étant très similaires et les produits visés par ces signes également (la marque “MASSI” étant notamment enregistrée pour des vêtements, des chaussures, des casques de cyclistes, des tenues de protection, des gants).

La démarche (l’opposition) du fabricant de vélos espagnol a fonctionné dans un premier temps. Puis, l’affaire a été dévolue au Tribunal de l’Union européenne (s’agissant, en effet, d’une marque européenne). Et le Tribunal a, pour sa part, estimé dans l’arrêt T‑554/14 que, non, la marque “MESSI” du célèbre footballeur n’était pas susceptible de créer une confusion avec la marque “MASSI” du fabricant de vélos espagnol.

C’est, disons-le, la réputation de Lionel Messi qui va jouer dans cette décision du Tribunal.

En effet, après avoir constaté les ressemblances phonétiques et visuelles entre les signes “MESSI” et “MASSI”, le Tribunal va estimer que, d’un point de vue conceptuel, “MESSI” et “MASSI” ne sont pas similaires, dès lors qu’en entendant “MESSI” une partie significative du public fera le lien avec le célèbre footballeur, ce qui n’est le cas de “MASSI” :

“72.  Sur le plan conceptuel, en revanche, il ressort des développements qui précèdent que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’une éventuelle différenciation conceptuelle ne sera opérée, le cas échéant, que par une partie du public pertinent. Il convient de considérer, au contraire, qu’une partie significative du public pertinent associera le terme « messi » au nom du célèbre joueur de football et percevra, dès lors, le terme « massi » comme étant conceptuellement différent”.

Le Tribunal en conclut que ces différences conceptuelles entre les signes en cause (“MESSI” vs. “MASSI”) neutralisent toute similitude phonétique et visuelle, et que donc, au terme d’une appréciation globale, la marque du célèbre footballeur n’est au final pas similaire à celle du fabricant de vélos espagnol ; ce qui exclut tout risque de confusion.

Les motifs décisoires exacts du Tribunal sont le suivants :

“75.  En effet, il est peu probable que, confronté aux marques en conflit, un consommateur, raisonnablement attentif, informé et avisé, des produits visés par la marque demandée ne percevra pas le signe figuratif MESSI comme étant la marque du célèbre joueur de football du même nom, et non comme une marque parmi d’autres, à consonance italienne. La réputation du joueur de football Messi est telle qu’il n’est pas plausible de considérer, en l’absence d’indices concrets en sens contraire, que le consommateur moyen, confronté au signe MESSI en tant que marque pour des vêtements, des articles de gymnastique ou de sport et des appareils et des instruments de protection, fasse abstraction de la signification du signe en tant que nom du célèbre joueur de football et le perçoive principalement comme une marque, parmi d’autres, de tels produits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 juin 2004, PICARO, T‑185/02, EU:T:2004:189, point 57).

76.  Il s’ensuit que les différences conceptuelles séparant les signes en cause sont de nature, en l’espèce, à neutraliser les similitudes visuelles et phonétiques (…)

77.  Par conséquent, au vu de tous ces éléments, le degré de similitude entre les marques en cause n’est pas suffisamment élevé pour pouvoir considérer que le public pertinent puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

78.  Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a conclu, au point 31 de la décision attaquée, que l’usage de la marque du demandeur pour les produits concernés pouvait créer un risque de confusion avec la marque antérieure dans l’esprit du consommateur”.

Lionel Messi a donc eu des raisons de se réjouir après cet arrêt du Tribunal… sauf que la partie adverse a intenté un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Le match se jouera donc aux prolongations !

FredericLejeuneLogo

Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles