Formule 1, technologie, brevets et secrets d’affaire
Les connaisseurs savent que la saison 2017 de Formule 1 est sur le point de commencer avec les essais de pré-saison qui débuteront demain à Barcelone.
La présentation des nouvelles monoplaces, qui a eu lieu cette semaine, a ravivé dans mon esprit une question intéressante que je m’étais déjà posée mais que je n’avais pas creusée: les écuries de Formule 1 déposent-elles des brevets lorsqu’elles développent de nouvelles pièces pour leurs monoplaces ou qu’elles mettent au point de nouvelles technologies de pointe?

A priori, la réponse me parait être négative, puisque je n’ai jamais entendu parler de procès en contrefaçon de brevet entre une écurie et une autre à propos de la copie par l’une d’entre elles d’une pièce ou d’une technologie développée par l’autre.
Par ailleurs, il y a quand même un règlement assez détaillé et assez pointu qui limite et encadre très précisément les développements. La marge créatrice, si elle existe, est donc également dépendante de contraintes techniques imposées par le règlement.
Cela dit, et dans le même temps, on peut également penser qu’un certain nombre de développements effectués par les équipes de F1 pourraient être appliqués et/ou utilisés sur les voitures de série. Comme le rappelle Wikipedia, “la Formule 1 est considérée comme la vitrine technologique de l’industrie automobile qui y expérimente des nouveautés techniques, parfois issues de la technologie spatiale et susceptibles d’être adaptées ensuite sur les voitures de série”.
Or, si la Formule 1 sert, en quelque sorte, de “laboratoire pour nos voitures de série” (pour reprendre l’expression de Yannick Cochennec), il pourrait y avoir un intérêt à breveter les développements effectués par les écuries de F1 qui sont transposables aux voitures de séries.

Qu’en est-il alors?
Après avoir effectué quelques recherches sur le sujet, je suis tombé sur un excellent billet consacré par le journaliste spécialisé, James Allen, à la question de la Formule 1 et des brevets.
Ce billet est intitulé “Patents in F1 explained” et est disponible ici.
Pour rédiger son billet, James Allen a interrogé un ingénieur F1 expérimenté. Selon cet ingénieur:
“The lack of patents in F1 is quite simple. It’s because if a team takes out a patent on a design, that then locks in an advantage the other teams cannot access. Therefore the other teams will simply vote it out through the FIA Technical Working Group process by the end of the season in question.
“By keeping a new design in the game, a team can gamble that they can do a better job on a design than another team. Examples like seamless shift gearbox & inertia dampers are good ones. If these were patented by F1 teams, then they would have been wiped out.”
En clair: la Formule 1 est une compétition et si une équipe tente de prendre un brevet sur une innovation pour empêcher la copie par ses concurrents, il y a fort à parier que la saison suivante, la technologie brevetée serait interdite par les instances dirigeantes de la F1.
C’est pourquoi les équipes tablent plutôt sur le fait d’être le pionnier dans le développement d’une technologie et de conserver l’avantage du pionnier.

Pour rester numéro 1, les équipes de Formule 1 ont donc plus souvent tendance à privilégier le secret qu’à déposer des brevets.
Ce n’est donc pas non plus un hasard si la Formule 1 a connu plusieurs scandales d’espionnage, dont le dernier épisode remonte à 2007 où un membre de l’écurie Ferrari a été accusé d’avoir transmis de nombreuses informations confidentielles à un membre de l’écurie rivale McLaren. C’est ce que l’on a appelé le Stepneygate.
Récemment, l’écurie Mercedes (championne du monde ces trois dernières années) a également annoncé avoir lancé des poursuites contre un (ex-)employé qu’elle accusait d’avoir volé des secrets d’affaire.
Et c’est également en raison de l’importance des secrets en Formule 1 que les éminences grises des grandes écuries (on parle par exemple d’Adrian Newey, James Allison, Aldo Costa, Jock Clear, Paddy Lowe, etc.) ont toujours des clauses de non-concurrence extrêmement longues, qui les éloignent de la F1 pendant de très longues périodes avant de pouvoir aller prendre leur nouveau poste sur le muret de l’équipe d’à côté.

Si vous voulez plus d’informations sur les brevets, les secrets d’affaires, la concurrence déloyale, les clauses de non-concurrence, les clauses de confidentialité, … (ou sur mon pronostic pour la saison 2017 de F1 ;-) ), n’hésitez pas à me contacter !
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles