Elections 2019 : propriété intellectuelle et politique !

Comme je l’avais fait à l’occasion des élections présidentielles en France en 2017, je me suis intéressé à ce que proposent les partis belges (francophones, à ce stade), dans leurs programmes en vue des élections de mai 2019, en lien avec la propriété intellectuelle.

L’ordre des partis ci-dessous est aléatoire.

Source: Image par Dimitris Vetsikas de Pixabay

PS : réformer le droit des brevets

Cf. Proposition n°12 du chapitre Economie de son programme

Le PS propose de réformer les brevets au motif que – je cite – : “les multinationales sont devenues de moins en moins innovantes technologiquement et de plus en plus innovantes en termes de stratégie de dépôts de brevets. Les droits de propriété intellectuelle ne stimulent plus suffisamment l’innovation”.

Le PS affirme que “Lorsqu’une entreprise se voit octroyer un brevet pour une « non-innovation », elle bénéficie abusivement d’un pouvoir de monopole”.

Il s’agirait donc, selon le PS, de ne permettre de protéger par le brevets que les “innovations réelles” et aussi de limiter la durée d’un brevet (pour rappel, à l’heure actuelle: 20 ans) en fonction de l’intensité de l’innovation.

Ma réflexion sur ces propositions : il est vrai que parfois des brevets sont octroyés pour des innovations relatives (des “améliorations”, des “perfectionnements”, etc.), mais si ces brevets sont délivrés, puis jugés valides par un tribunal, c’est que l’innovation est là (un brevet devant toujours répondre à la condition de (i) nouveauté et à celle (ii) d’activité inventive).

Il ne me semble donc pas exact de dire que des brevets sont délivrés pour des non-innovations.

S’il n’y a pas d’innovation, il n’y a pas de brevet – l’office ne le délivrera pas – ou alors, de toute façon, il sera déclaré nul plus tard par un tribunal.

Le constat de départ me semble donc caricatural. Par ailleurs, à partir du moment où un grand nombre de brevets sont des brevets européens, je vois mal comment la Belgique, seule, pourrait modifier la règle de la durée de protection des brevets.

MR : améliorer l’accès des PME à la propriété intellectuelle et mieux lutter contre la contrefaçon

Cf. Propositions pp. 55 et 56 de leur programme

Le MR propose d’améliorer l’accès des PME à la propriété intellectuelle:

“L’innovation est un facteur de croissance mais la protection de l’innovation par un accès à la propriété intellectuelle est essentielle pour l’exploitation des inventions et des créations. Une amélioration des procédures de délivrance des brevets, une digitalisation accrue de ceux-ci, une action intensifiée de la Belgique pour offrir aux PME un accès aux brevets européens leur permettra de croître et de gagner des nouveaux marchés. Développer des aides afin de permettre aux PME innovantes de développer une stratégie en matière de brevets.”

Ainsi que d’améliorer la lutte contre la contrefaçon et la concurrence déloyale :

“Les PME titulaires de brevets ou possédant des marques sont victimes de contrefaçon, de piratages voire victimes de concurrence déloyales de concurrents étrangers qui par des sites d’e-commerce offrent aux consommateurs belges des produits contrefaisant des productions nationales. Des procédures plus efficaces de blocages des sites offrant illégalement des produits en violation des droits de nos PME doivent être mises en place”.

Ma réflexion sur ces propositions : pour un avocat en propriété intellectuelle qui est au contact quasiment quotidien avec des PME et des jeunes créateurs et chercheurs innovants qui ont besoin de protéger le résultat de leur travail créatif et de leurs recherches et innovations, ces déclarations d’intention du MR vont dans le bon sens. Il y a une réelle demande des PME et jeunes créateurs et chercheurs en ce sens.

De même, pour la lutte contre la contrefaçon. Elle est essentielle car il n’est pas acceptable qu’un artiste, un auteur, un titulaire de marque, un titulaire de brevet, etc., ait consenti des efforts créatifs et innovants, ait dépensé de l’argent, ait passé un temps considérable… à construire sa propriété intellectuelle, à la protéger, à la sécuriser… pour qu’ensuite tous ces efforts (en création/innovation, en financier, en temps…) soient détournés ou repris par un tiers.

Toutefois, il faudra voir ce que le MR propose plus concrètement, car à ce stade je ne lis dans leur programme aucune mesure concrète pour mettre en oeuvre ces deux déclarations d’intention très louables. A voir donc en pratique !

ECOLO : néant à part un mot en matière de licence obligatoire en matière de médicaments

Point 5.16 de leur programme

ECOLO ne formule pas vraiment de propositions liées à la propriété intellectuelle à l’exception de la suggestion selon laquelle l’Etat belge devrait mettre en oeuvre une procédure (déjà prévue par la loi) en cas de pénurie de médicaments – ce que l’on appelle le mécanisme de la “licence obligatoire” :

“Lutter contre la pénurie de médicaments en instaurant un mécanisme de licence obligatoire qui permette de faire produire un médicament par une autre firme lorsque se pose un problème de santé publique lié à la non-disponibilité ou à la disponibilité limitée d’un médicament (prix trop élevé ou pénurie volontairement créée par une firme pharmaceutique)

La législation européenne sur les brevets et droits de propriété intellectuelle permet aux États, pour raison de santé publique, de faire produire par une autre entreprise des médicaments pour lesquels la firme pratique des prix trop élevés ou ne garantit pas des quantités disponibles suffisantes. Les droits de propriété intellectuelle sont néanmoins versés à la firme originale. Il ne s’agit donc pas de « voler  » les firmes pharmaceutiques. Nous proposons que la Belgique recoure à ce mécanisme de manière systématique lorsque des médicaments indispensables sont en pénurie ou à des prix déraisonnables et d’en confier, de manière temporaire, la production à un fabricant générique situé en Belgique”.

Ma réflexion sur ces propositions : pas de commentaire particulier. RAS. ECOLO ne propose pas grand-chose, sinon un mécanisme déjà prévu par la loi qu’il souhaite voir appliquer plus systématiquement. Pas de réforme ou de vision en la matière donc, simplement réaffirmer une mesure très ciblée.

cdh : néant

A la page 132 du programme du cdh, je décèle la phrase générale suivante sans aucune mesure concrète proposée :

“Sécuriser la propriété des industries stratégiques pour assurer le positionnement géopolitico-stratégique de la Belgique et de l’UE dans le monde”.

Ma réflexion sur ces propositions : pas de commentaire particulier. RAS. Le cdh ne propose rien sauf de sécuriser la propriété des industries stratégiques. Parle-t-on de la propriété intellectuelle? Pourquoi uniquement des industries stratégiques? Quid des jeunes créateurs et PME? Quid de ce ceux qui en ont besoin et qui ont moins de moyens que les industries stratégiques? (Pratiquement) rien à commenter donc pour la propriété intellectuelle s’agissant du cdh.

PTB : réduction de la durée des brevets dans les domaine d’utilité publique (par ex. santé et environnement)

A la page 135 du programme du PTB, celui-ci propose de réduire “la durée des brevets issus de la recherche privée dans tous les domaines d’utilité publique comme les soins de santé et les innovations environnementales”.

Ma réflexion sur ces propositions : pas de commentaire particulier, sinon que la question de la durée m’interpelle (quant à sa faisabilité pratique), comme je l’ai déjà indiqué pour la proposition dans un sens similaire du PS. Pour le reste, le PTB n’a pas de programme ou de vision en lien avec la propriété intellectuelle.

PP : néant

Après plusieurs recherches, je n’ai rien trouvé dans le programme du PP quant à la propriété intellectuelle.

Ma réflexion sur ces propositions : rien à commenter, sauf que comme pour les partis ci-dessus ne proposant (presque) rien, le PP n’a pas de programme ou de vision en lien avec la propriété intellectuelle.

DEFI: néant

Après plusieurs recherches, je n’ai rien trouvé dans le programme de DEFI quant à la propriété intellectuelle.

Ma réflexion sur ces propositions : rien à commenter, sauf que comme pour les partis ci-dessus ne proposant (presque) rien, DEFI n’a pas de programme ou de vision en lien avec la propriété intellectuelle.

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles