Droit des marques : 2NSPDRGNI, une marque trop complexe ?

Fin 2022, l’EUIPO a refusé à l’enregistrement la marque verbale 2NSPDRGNI :

Cette marque avait été déposée en classe 9 pour les produits suivants :

“Chargeurs de piles et batteries ; Étuis à lunettes ; Périphériques adaptés pour utilisation avec des ordinateurs ; Ampoules de flash ; Lunettes de soleil ; Tapis de souris ; Cordonnets pour téléphones mobiles ; Sacoches conçues pour ordinateurs portables ; Housses pour ordinateurs portables; Ordiphones [smartphones] ; Téléphones mobiles ; Coques pour smartphones ; Étuis pour smartphones ; Perches pour autophotos [monopodes à main] ; Montres intelligentes ; Films de protection conçus pour ordiphones [smartphones] ; Bonnettes de casques à écouteurs ; Supports adaptés pour ordinateurs portables ; Chargeurs de batterie pour véhicules motorisés”.

Le raisonnement de l’EUIPO pour conclure au refus d’enregistrement peut être résumé comme suit :

  • Le signe 2NSPDRGNI ne sera pas perçu par le public pertinent comme un signe distinctif.

  • Lorsque le public pertinent sera confronté au signe 2NSPDRGNI, il n’y verra rien d’autre qu’une séquence alphanumérique longue, complexe et incohérente.

  • La complexité d’ensemble du signe 2NSPDRGNI ne permettra pas au public pertinent de comprendre ce signe ni a fortiori de le mémoriser. L’incohérence des lettres utilisées renforce ce constat.

  • Certes, le signe 2NSPDRGNI n’est pas descriptif des produits en cause (puisque ce signe est totalement arbitraire et qu’il n’a pas de signification). Toutefois, le caractère descriptif n’est pas le seul motif pour lequel une marque peut être refusée à l’enregistrement. Or, en l’espèce, ce n’est pas sur la base du caractère descriptif que se fonde l’EUIPO pour justifier sa décision de refus, mais bien sur la base du défaut de caractère distinctif (dans la mesure où le signe 2NSPDRGNI ne sera pas perçu comme une indication d’origine commerciale des produits en cause).

Cette affaire est intéressante car elle nous rappelle que s’il existe un lien entre (i) l’absence de caractère distinctif et (ii) le caractère descriptif, ces deux objections sont et restent indépendantes l’une de l’autre. C’est ce que je vous expliquais ici :

“Attention, toutefois, à bien garder à l’esprit que les objections tirées (i) de l’absence de caractère distinctif et (ii) du caractère descriptif, sont des causes d’invalidité autonomes, prévues par des bases légales distinctes. Elles ne doivent donc pas être confondues, même si elles se recoupent partiellement.

D’ailleurs, si une marque descriptive est ipso facto dépourvue de caractère distinctif ; l’inverse n’est pas vrai. Une marque dépourvue de caractère distinctif n’est pas forcément descriptive”.

L’autre enseignement de cette affaire, c’est que même s’il est utile, pour éviter une objection fondée sur le caractère descriptif, de déposer une marque verbale inventée de toute pièce (une marque de fantaisie, une marque arbitraire…), il n’en reste pas moins que cette marque doit être lisible et mémorisable. A défaut, cette marque ne pourra pas être valable car elle sera considérée comme dépourvue de caractère distinctif.

Arbitraire, fantaisie et originalité, oui.

Manque de lisibilité et incapacité à être mémorisée, non.

Si le droit des marques vous intéresse, n’hésitez pas à consulter :

Et, bien entendu, vous pouvez également me contacter.

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles