Directive protection des secrets d’affaires, révolution en vue en droit belge?

Introduction

Il faut suivre avec attention les développements en matière de protection de secrets d’affaires et, en particulier, suivre le processus législatif qui est actuellement en cours à l’échelon européen.

Pour rappel, en date du 14 avril 2016, le Parlement européen avait adopté:

  • d’une résolution législative sur la proposition de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (COM(2013)0813 – C7-0431/2013 – 2013/0402(COD));
  • d’une position en première lecture en vue de l’adoption de la directive (UE) 2016/… du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

Ces textes sont disponibles ici. J’en ai donné un premier commentaire synthétique ici.

Le Conseil vient d’adopter la directive relative aux secrets d’affaire 

Ce jour, le Conseil a formellement adopté la directive, dans la foulée du Parlement européen (cf. le communiqué intitulé “Protection des secrets d’affaires: Le Conseil adopte une nouvelle directive”, disponible ici).

Le texte de la directive telle qu’adoptée ce jour par le Conseil est disponible ici.

Le caractère révolutionnaire de cette directive par rapport au droit belge, actuellement en vigueur

C’est désormais certain (puisqu’elle a été adoptée), cette directive va révolutionner le droit belge.

Pour s’en convaincre, il suffit, par exemple, de lire l’article 4.5 de la directive, lequel dispose que:

“La production, l’offre ou la mise sur le marché, ou l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de biens en infraction sont aussi considérés comme une utilisation illicite d’un secret d’affaires lorsque la personne qui exerce ces activités savait ou, eu égard aux circonstances, aurait dû savoir que le secret d’affaires était utilisé de façon illicite au sens du paragraphe 3”.

Etant entendu que les “biens en infraction” sont définis à l’article 2.4 comme “des biens dont le dessin ou modèle, les caractéristiques, le fonctionnement, le procédé de production ou la commercialisation bénéficient de manière significative de secrets d’affaires obtenus, utilisés ou divulgués de façon illicite”.

En clair: l’intention du législateur européen est de rendre illicites les produits créés sur la base d’un secret obtenu illicitement et donc soumettre ces produits illicites aux mesures provisoires prévues par l’article 10 (interdiction de produire, de vendre, d’importer, d’exporter…) et aux mesures correctives prévues par l’article 12 (rappel de ces produits s’ils sont déjà le marché, leur destruction…).

Cela présage une véritable révolution pour la protection des secrets d’affaires en Belgique car, à ce jour, en droit belge l’utilisation des secrets d’affaires illicitement obtenus est (toujours) lacunaire et assez peu satisfaisante, dès lors que:

  • grosso modo, seule la divulgation ou la communication des secrets d’affaires, dans certaines conditions (art. 309 C. pén. et art. 17 3° a) de la loi sur le contrat de travail), est interdite ;
  • il est difficile de faire interdire l’utilisation des secrets d’affaires illicitement obtenus  ;
  • une fois que le secret d’affaires est divulgué, il est généralement difficile de trouver un autre remède que des dommages-intérêts ; or, le mal est fait…

***

Je reviendrai en détail sur cette directive dans les prochaines semaines.

A noter qu’une fois qu’elle sera publiée, les Etats membres auront deux ans pour l’implémenter en droit national (il faudra donc également voir comment l’Etat belge va s’y prendre et notamment s’il va au-delà de la protection prévue par la directive).

 

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles