Droit d’auteur et créations d’employés: attention aux idées fausses
J’ai déjà eu l’occasion de parler des créations d’employés (ou, si vous préférez, de salariés) ici.
Je voudrais, cependant, encore attirer votre attention sur une idée très répandue: lorsqu’un employé créée une œuvre protégeable par le droit d’auteur, celle-ci appartient à son employeur.
Cette croyance très répandue est fausse, totalement fausse!
Ce n’est pas parce que votre employé (ou votre salarié) créée une œuvre (par ex. un logo, un dessin, un article…) dans le cadre de sa mission ou de son contrat de travail, que les droits d’auteur sur cette œuvre vous appartiennent automatiquement!
L’article XI.167, §3 du Code de droit économique prévoit, en effet, que:
« Lorsque des œuvres sont créées par un auteur en exécution d’un contrat de travail ou d’un statut, les droits patrimoniaux peuvent être cédés à l’employeur pour autant que la cession des droits soit expressément prévue et que la création de l’oeuvre entre dans le champ du contrat ou du statut ».
Il découle de façon incontestable de cet article XI.167, §3, que si les droits patrimoniaux sur les œuvres créées par un employé « peuvent être cédés » à l’employeur, ces droits n’appartiennent pas automatiquement à l’employeur!
Et, précisément, pour que ces droits appartiennent à l’employeur, il faut que ceux-ci fassent l’objet d’une cession expresse, que ce soit dans le contrat de travail ou dans un contrat à part. A contrario, si l’employeur et l’employé n’ont rien prévu à propos des œuvres créées en exécution d’un contrat de travail (ou d’un statut), les droits d’auteur sur ces œuvres restent la propriété de l’employé…
Conseil pratique pour les employeurs: toujours prévoir contractuellement par écrit que les droits d’auteur (patrimoniaux) lui sont, en cette hypothèse, cédés par l’employé.
Le même conseil peut être formulé mutatis mutandis en cas d’œuvres créées sur commande, si celui qui passe commande veut se réserver la propriété des droits d’auteur (patrimoniaux).
L’on peut quand même nuancer ce qui précède dans une hypothèse: si l’employé ou l’exécutant sur commande n’est qu’un exécutant technique, et que l’employeur ou le commanditaire réalise lui-même l’apport créatif et original. Car, en ce cas, l’employé ou l’exécutant sur commande ne crée pas, lui-même, d’œuvre au sens du droit d’auteur.
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Il existe toutefois deux exceptions à ce qui précède.
1) En matière de programmes d’ordinateur et de logiciels, le législateur présume que l’employeur est automatiquement cessionnaire des droits d’auteur patrimoniaux sur le programme ou le logiciel créé par un employé (article XI.296 du Code de droit économique):
« Sauf disposition contractuelle ou statutaire contraire, seul l’employeur est présumé cessionnaire des droits patrimoniaux relatifs aux programmes d’ordinateur créés par un ou plusieurs employés ou agents dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur ».
2) Une règle similaire (mais pas identique: cf. la référence à l’industrie non culturelle) vaut en matière de bases de données (article XI.187 du Code de droit économique):
« Sauf disposition contractuelle ou statutaire contraire, seul l’employeur est présumé cessionnaire des droits patrimoniaux relatifs aux bases de données créées, dans l’industrie non culturelle, par un ou plusieurs employés ou agents dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur. Des accords collectifs peuvent déterminer l’étendue et les modalités de la présomption de cession ».
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Attention donc aux idées fausses et aux croyances répandues! Il est toujours préférable, pour les employeurs, de prévoir contractuellement que les droits d’auteur sur les œuvres, créées par leurs employés dans le cadre de leur travail, leur sont expressément cédés!
Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles
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