Covid, masques et droit d’auteur !

Cela ne vous aura pas échappé. De plus en plus de sites web proposent, en ces temps de covid-19, de personnaliser vos masques.

Je n’ai pas échappé au phénomène puisque ce week-end, je préparais des masques “lejeune.legal” pour le cabinet avec notre tout nouveau logo.

Et c’est là précisément qu’il m’est venu à l’esprit l’idée du présent article (déformation professionnelle d’un avocat en droit d’auteur).

J’en vois, en effet, déjà certains réaliser et porter des masques avec une belle reproduction de Tintin, d’un tableau de Magritte ou de leur équipe ou joueur de NBA préféré(e).

Et là il faut le dire et redire : PRUDENCE !

Utiliser une oeuvre protégée par le droit d’auteur (par ex. un dessin de Tintin, un tableau de Magritte ou le maillot de votre équipe de NBA préférée) en la reproduisant sur un support (fût-ce un support “textile” comme un masque) tombe sous le coup du droit d’auteur; le droit d’auteur réservant à l’auteur le droit exclusif de reproduction “de quelque manière et sous quelque forme que ce soit” (art. XI.165 CDE).

Reproduire une oeuvre sur un support textile (fût-ce un masque) est donc bien l’une des manières de “reproduire” visées par l’article XI.165 CDE.

Pensez d’ailleurs aux t-shirts: ceux qui utilisent des oeuvres pour en faire des t-shirts tombent sous le coup du droit d’auteur et doivent donc obtenir l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit pour réaliser de tels t-shirts (et a fortiori pour les vendre). En droit d’auteur, le masque n’a rien de différent du t-shirt, de la casquette ou du bonnet.

Oui mais et si vous ne vendez pas les masques avec la reproduction, par exemple, de Tintin, d’un tableau de Magritte ou du maillot de votre équipe de NBA préférée ? Autrement dit, si vous avez fait réaliser un masque unique pour vous-même, sans intention de commercialiser.

Est-ce que cela change quelque chose en droit d’auteur ? En réalité, à strictement parler, non. Les risques sont toujours là. En effet, vous allez porter votre masque en extérieur, en rue … et pas (uniquement) chez vous ! Tous ceux qui vous croiseront pourront donc voir votre masque et donc voir l’oeuvre qui y est reproduite (Tintin, Magritte, …). En droit d’auteur, c’est techniquement ce qu’on appelle une “communication au public”. A partir du moment où des tiers (en nombre indéterminé, et au-delà d’un seuil de minimis) peuvent accéder à l’oeuvre (en dehors du cercle de famille), il y a communication au public. A propos de la communication au public, je vous renvoie en détail ici.

Donc certes, si vous réalisez des masques, avec des oeuvres protégées par le droit d’auteur dessus, uniquement pour vous-même et sans commercialisation, la situation apparait de prime abord moins grave et moins problématique (que si vous les commercialisiez). Mais attention, il est toujours possible – puisque par définition les masques ont vocation à être utilisés “publiquement” (dans l’espace public; et non à la maison, dans un cercle de famille) – que vous ayez des problèmes sur le fondement du droit de communication au public.

Pensons d’ailleurs à un autre scénario : vous faites une photo de vous-même avec votre masque (avec par ex. Tintin dessus), et vous la publiez sur Internet. Là il y aura sans la moindre discussion un problème à l’aune du droit de communication au public (diffuser sur Internet revient à communiquer au public). Attention donc également aux photos !

Ce qui paraît être une utilisation totalement privée, à savoir réaliser un masque personnalisé avec une oeuvre dessus pour un usage personnel (sans commercialisation et sans vente à des tiers), est en fait susceptible de causer de nombreux problèmes en droit d’auteur. Car cette utilisation n’est, en réalité, pas totalement privée : utilisation du masque sur la voie publique, photographies diffusées sur Internet, etc.

On le constate: ce n’est pas tant l’acte de reproduction initiale qui est problématique ; c’est plutôt la diffusion ultérieure en raison de l’usage public qui est fait du masque (lequel contient une oeuvre protégée par le droit d’auteur).

Alors avant de créer des masques avec des oeuvres protégées par le droit d’auteur, réfléchissez bien à deux fois ! Et il sera sûrement plus prudent d’acheter, sur les boutiques officielles (celles des auteurs, des ayants droit, des licenciés…), des masques dont on est sûr qu’ils ont été autorisés !

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles