Bande dessinée, intelligence artificielle et droit d’auteur

Image par Gerd Altmann de Pixabay 

Introduction

Kris Kashtanova a de multiples casquettes.

Sur son Instagram, elle se définit comme artiste mais également comme “AI consultant/researcher – former Software Engineer – designer (UX) – journalist – teacher”.

En septembre 2022, elle annonce avoir obtenu un “copyright”, aux Etats-Unis, sur une bande dessinée réalisée par intelligence artificielle.

Fin octobre 2022, le U.S. Copyright Office lui indique vouloir révoquer ledit “copyright”, dans la mesure où une oeuvre, pour pouvoir être protégée par le droit d’auteur, doit avoir été réalisée par un être humain, et non par une intelligence artificielle.

Kris Kashtanova a décidé d’interjeter appel de cette décision de révocation.

La problématique des créations réalisées par intelligence artificielle

Même si le droit européen se distingue du droit américain sur plusieurs aspects (notamment sur celui du dépôt, qui n’existe pas en Europe), l’expérience vécue par Kris Kashtanova est intéressante car elle suscite des questions qui pourraient également se poser en Europe.

  • Une intelligence artificielle peut-elle être considérée comme l’auteur d’une oeuvre au sens du droit d’auteur ?
  • Et, plus généralement, que faire des créations réalisées par intelligence artificielle ?

Schématiquement, je pense qu’il faut distinguer deux grands scénarios.

  • Le premier scénario est celui où l’intelligence artificielle est utilisée comme un outil de création (à l’instar d’un appareil photo, d’un logiciel de traitement de texte, d’un logiciel de design ou de retouches, etc.). L’intelligence artificielle est donc utilisée pour créer, mais elle n’est qu’un outil dans les mains du créateur humain, qui reste le décisionnaire et donc le créatif.
  • Le second scénario est celui où l’intelligence artificielle crée en toute autonomie (sans intervention humaine au stade créatif).

Dans le premier scénario, l’oeuvre est susceptible d’être protégée par le droit d’auteur car elle est le résultat d’un travail humain.

Je dis bien “susceptible d’être protégée” car même si, dans ce scénario, rien ne s’oppose au principe de la protection, il faudra encore vérifier, au cas par cas, et en fonction des choix posés concrètement, si l’oeuvre est originale (la protection effective impliquant une oeuvre satisfaisant à la condition d’originalité).

Dans le second scénario, il faut bien admettre qu’en l’état actuel du droit, aucune protection ne paraît possible. Selon les législations en vigueur en Europe, l’auteur doit, en effet, être un humain.

Par ailleurs, la condition d’originalité est très centrée sur la création humaine (“personnalité”, “esprit créateur”, “touche personnelle”, “choix libres et créatifs” …).

Il est loin d’être acquis qu’une intelligence artificielle dispose d’une “personnalité” et/ou d’un “esprit”, et qu’elle puisse imprimer sa “touche personnelle” au moment de la création.

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, vous pouvez vous référer à mon ouvrage Le droit d’auteur en questions et, en particulier, aux pages 310 à 327, sous le titre B “Les machines, robots et intelligences artificielles”.

Nous avons également déjà évoqué l’intelligence artificielle sur ce blog, en lien avec le droit des brevets :

Droit des brevets : l’inventeur doit être un humain

Brevet, inventeur et intelligence artificielle

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles