Que faire face à un abus de pouvoir ou une voie de fait de l’Etat ?

1.   La récente affaire des visas de la famille syrienne (ou le “Visa gate”) me révolte à titre personnel et je ne peux vous cacher que l’envie me démange de vous livrer mon analyse sur cette affaire et sur le comportement du gouvernement belge.

En particulier, je brûle de vous donner mon opinion sur:

(i) la position du gouvernement refusant d’exécuter des décisions de justice, pourtant pleinement exécutoires (nonobstant toute voie de recours); et sur:

(ii) les moyens incroyables déployés par le gouvernement belge pour empêcher l’exécution forcée des astreintes, comme par exemple la demande de changement de langue du gouvernement devant le juge francophone – comme si soudainement le gouvernement belge (pourtant fédéral) n’était plus capable de comprendre ou de se défendre en français.

2.  Mais voilà… l’affaire est toujours en cours et même si je n’y suis pas impliqué, je n’ai pas envie de commenter de près une affaire en cours.

Ce sera donc plus tard!

3.  La seule chose que je vous dirai à ce stade, c’est que je souscris sans réserve au communiqué suivant d’Avocats.be:

Réaction au comportement du secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration

AVOCATS.BE a pris connaissance de l’arrêt prononcé par la Cour d’appel de Bruxelles ce 8 décembre 2016.

La Haute juridiction condamne l’Etat belge à exécuter un arrêt du Conseil du contentieux des étrangers lui ordonnant de délivrer un visa ou un laissez-passer valable trois mois à une famille syrienne composée de deux enfants mineurs, qui tente de fuir Alep.

La Cour d’appel dit que sa condamnation est immédiatement exécutoire. Elle condamne l’Etat belge à une astreinte de 1.000 € par jour de retard et par membre de la famille.

AVOCATS.BE est profondément choqué de ce que le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration refuse d’exécuter cette décision de justice alors qu’il n’est pas compétent pour dire le droit.

Ce comportement porte atteinte à la souveraineté du pouvoir judiciaire et est inadmissible.

AVOCATS.BE invite formellement le gouvernement à se substituer à son secrétaire d’Etat et à s’inscrire dans un Etat de droit, en exécutant la décision de justice prononcée”.

4.  Ceci dit, cette affaire du “Visa gate” m’a rappelé trois affaires vécues, où j’ai dû attaquer, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, un pouvoir public en justice pour le contraindre à mettre fin à “une voie de fait” (c’est-à-dire une “illégalité flagrante”).

Ce n’est donc pas parce qu’on est l’Etat (ou tout autre pouvoir public: Région, Communauté, commune, etc.) que l’on a le pouvoir de faire n’importe quoi, ou le droit à d’agir de façon arbitraire. Et heureusement!

Face à un abus, une voie de fait, un détournement de pouvoir, une absence de réaction ou de prise de position de l’Etat (ou de tout autre pouvoir public), il est donc possible d’agir.

La voie du référé peut notamment être privilégiée si le comportement de l’Etat (ou de tout autre pouvoir public) porte préjudice ou risque de porter préjudice et qu’il y a urgence à mettre fin à ce comportement.

L’Etat n’est pas au-dessus des lois et doit respecter les règles (en particulier: les lois) qu’il a édictées (Patere legem quam ipse fecisti). Idem pour les autres pouvoirs publics.

5.  Conseil pratique : si vous êtes confrontés à (ce que vous estimez être) un abus, une voie de fait, un détournement de pouvoir, une absence de réaction ou de prise de position de l’Etat (ou de tout autre pouvoir public), consultez un avocat!

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles