Droit d’auteur de l’architecte : ce qu’en dit la Cour de cassation

Le droit d’auteur de l’architecte est un sujet intéressant.

Je vous en ai parlé à plusieurs reprises :

Un arrêt récent du 18 juin 2020 a été prononcé par la Cour de cassation à propos des droits d’auteur relatifs à des plans qui ont été créés par un architecte dans le cadre d’une mission qui lui avait été confiée par un client.

La question récurrente, dans ce type de ce type de situation, est la suivante :

  • Celui qui commande une oeuvre (en l’espèce : des plans d’architecte) est-il automatiquement titulaire des droits d’auteur, simplement parce qu’il a commandé cette oeuvre et qu’il a payé l’auteur (en l’espèce : l’architecte) ?
  • Ou, au contraire, faut-il un contrat ou une clause de cession spécifique ? (= pas de cession automatique/tacite des droits)

La Cour de cassation, dans son arrêt du 18 juin 2020, a confirmé qu’en droit d’auteur il n’y a pas de cession tacite des droits, même en présence d’une oeuvre créée sur commande.

Vis-à-vis de l’auteur (en l’occurence, l’architecte), il faut toujours un écrit. Le client de l’auteur doit, dès lors, avoir un écrit en sa possession qui atteste de ce que les droits de l’auteur lui sont cédés. A défaut d’un tel écrit, il n’y a pas de cession de droits d’auteur, et ceux-ci restent la propriété de l’auteur, même si celui-ci a été rémunéré pour cette commande.

La Cour de cassation confirme également, dans cet arrêt, que l’approche est assez restrictive (en faveur de l’auteur). En effet, dans cette affaire, une clause de cession de droits avait été apposée sur certains plans ; mais pas sur tous. La Cour de cassation en déduit que les droits d’auteur ont été cédés s’agissant des plans qui comportaient cette clause de cession ; mais pas s’agissant des plans qui ne comportaient pas cette clause !

Cette confirmation de la Cour de cassation ne doit pas étonner. Elle est conforme à l’article XI.167, §3, du Code de droit économique qui dispose que lorsqu’une oeuvre est crée sur commande, les droits d’auteur sur cette oeuvre “peuvent être cédés” (= simplement une faculté ; pas automatique !) si et seulement cette cession de droits est prévue de façon expresse.

Par ailleurs, l’article XI.167 prévoit également que les cessions de droits (i) doivent se prouver par écrit vis-à-vis de l’auteur et (ii) s’interprètent restrictivement en faveur de l’auteur. D’où la décision de la Cour de cassation selon laquelle ce n’est pas parce que des écrits existent pour certains plans, que ces écrits s’appliquent à tous les plans réalisés dans le cadre de la relation entre l’architecte et son client.

Piqûre de rappel donc : n’oubliez pas de vous faire céder les droits et ce de façon expresse, détaillée et par écrit, même lorsque vous commandez une oeuvre (un plan d’architecte, mais également une photographie, un site web, un logo, une peinture…) et même lorsque vous payez pour cette commande !

Nuance : à mon sens, une cession “générale”, dans une relation d’affaires suivie (où plusieurs oeuvres sont à créer) est possible, mais il doit alors être clair que la cession est “générale” (et qu’elle ne s’applique pas à tel ou tel plan particulier ; or, si cette clause est apposée sur tel plan, mais pas sur tel autre… on ne peut pas en déduire qu’il s’agit d’une clause générale).

Par ailleurs, pour de telles clauses “générales”, il faut malgré tout être attentif aux autres règles de l’article XI.167. La prudence s’impose donc, car l’article XI.167 est extrêmement favorable à l’auteur (et ceci en connaissance de cause ; le législateur de 1994 assumant cette décision : la priorité n°1 étant la protection de l’auteur).

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles