Un brevet, ça sert à quoi ?

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1.    J’entends tellement d’idées fausses à propos des brevets qu’il m’a semblé utile de clarifier – de façon simple – ce qu’est un brevet, à quoi il sert et ce qu’il protège.

2.   Le brevet (en anglais, “patent”) est un titre ou un droit de propriété intellectuelle qui permet de protéger une invention.

L’article XI.3 du Code de droit économique dispose, en effet, que :

“Sous les conditions et dans les limites fixées par le présent titre, il est accordé sous le nom de ‘brevet d’invention‘, appelé ci-après ‘brevet’, un droit exclusif et temporaire d’interdire aux tiers l’exploitation de toute invention, dans tous les domaines technologiques, qui est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d’application industrielle” (je souligne).

3.   La législation ne définit pas ce qu’est une invention.

Mais on considère généralement qu’une invention est une prestation intellectuelle qui revêt un caractère technique et qui résout un problème technique.

On dit également qu’une invention est une solution technique à un problème technique.

Au-delà de ces définitions consensuelles, une invention peut prendre différentes formes : un produit ou une partie de produit, une amélioration, un procédé, un dispositif, etc.

Ce qui compte c’est que ce produit, cette partie de produit, cette amélioration, ce procédé, ce dispositif, etc., apporte une solution technique à un problème technique.

Une invention peut même être une application nouvelle (et non évidente) d’un produit, d’un dispositif ou d’un procédé existant, ou une combinaison nouvelle (et non évidente) de moyens connus.

4.   Si la législation ne définit pas ce qu’est une invention, elle exclut toutefois un certain nombre de prestations intellectuelles du domaine de l’invention.

Ces prestations intellectuelles-là ne pourront donc pas, en tant que telles, être brevetées. Il s’agit notamment (art. XI.4 du Code de droit économique) :

  • des découvertes, des théories scientifiques et des méthodes mathématiques ;
  • des créations esthétiques ;
  • des plans, des principes et des méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques ;
  • des programmes d’ordinateurs (qui sont, dans une certaine mesure, protégés par le droit d’auteur – voyez ici) ;
  • des présentations d’informations.

Comme le résume le SPF Economie :

“Il s’ensuit que ne sont pas, en tant que tels, considérés comme des inventions :

– les découvertes, les théories scientifiques ou les méthodes mathématiques. Celles-ci peuvent cependant constituer la base d’inventions brevetables. Par exemple, la théorie de la relativité d’Einstein n’est pas brevetable en soi, mais les techniques de GPS qui appliquent cette théorie le sont ;

– les créations esthétiques ou les présentations d’informations. Ces créations sont en revanche susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur ou le droit des dessins ou modèles ;

– les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques (ce qu’on appelle les ‘business methods’). Par exemple les méthodes comptables ou les plans d’un architecte ne sont pas brevetables ;

– les programmes d’ordinateur. Ce n’est que si le programme d’ordinateur engendre un effet technique particulier ou si, en combinaison avec un équipement, il satisfait aux autres conditions de brevetabilité, qu’il pourra éventuellement être protégé par un brevet. Une invention mise en oeuvre par un programme d’ordinateur qui apporte une solution technique à un problème technique est donc susceptible d’être protégée par un brevet.

Un logiciel par lequel des données occupent moins de place dans la mémoire de l’ordinateur pourrait par exemple constituer une ‘invention’. Les programmes d’ordinateur sont par contre protégeables, en tant que tels, par le droit d’auteur”.

Source : http://economie.fgov.be/fr/

5.   D’autres exclusions existent, çà et là, dans la législation.

Ainsi, par exemple, dans le domaine médical, sont exclues de la brevetabilité les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique et les méthodes de diagnostic (article XI.5, §7 du Code de droit économique).

6.    Une fois que l’on a résumé le concept d’invention au sens du droit des brevets, ainsi que les exclusions prévues par la législation, il faut encore dire qu’un brevet ne pourra être effectivement délivré que si l’invention envisagée est nouvelle et inventive (ou, plus exactement, le résultat d’une activité inventive).

7.    La nouveauté est entendue dans un sens absolu.

Si l’invention que vous pensez avoir réalisée existe déjà dans tous ses aspects, elle ne sera pas considérée comme nouvelle au sens du droit des brevets, et vous n’aurez donc pas le droit à un brevet pour celle-ci.

Attention : toute divulgation antérieure peut être destructrice de nouveauté et donc empêcher la délivrance d’un brevet – même la divulgation par l’inventeur, lui-même, de sa propre invention !

En clair : vous avez créé un outil génial qui permet de résoudre un problème technique. Vous estimez que l’avancée apportée par votre invention est révolutionnaire. Si, emporté par votre enthousiasme, vous parlez de votre invention sur votre blog, avant d’avoir déposé une demande de brevet… c’est terminé ! Vous avez vous-même divulgué votre invention. Au moment de déposer votre brevet, on pourra vous opposer votre propre divulgation et vous dire que votre invention n’est pas nouvelle.

De même, si vous vendez ou commercialisez votre invention avant d’avoir fait une demande de brevet, votre invention ne sera plus considérée comme nouvelle au sens du droit des brevets et vous perdrez le droit d’obtenir un brevet.

Comme l’écrivent B. Remiche et V. Cassiers, “si l’inventeur commercialise l’invention avant le dépôt de la première demande de brevet, l’invention perdra le caractère de nouveauté” (Droit des brevets d’invention et du savoir-faire, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 97-98).

La plus grande prudence s’impose donc car “la Belgique, comme les autres pays européens, ne dispose pas d’un délai de grâce (…) accordé à l’inventeur et qui lui permet de faire breveter son invention après l’avoir lui-même divulguée”  (B. Remiche et V. Cassiers, Droit des brevets d’invention et du savoir-faire, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 109).

Conseils pratiques :

  • Gardez le secret par rapport à votre invention aussi longtemps que vous n’avez pas déposé – voire obtenu – de brevet.
  • Et si vous avez besoin de vous tourner vers des partenaires ou des tiers en vue de mener à bien votre projet lié à l’invention, vous devez leur faire signer des engagements de confidentialité, pour vous protéger aussi longtemps que vous n’avez pas déposé – voire obtenu – de brevet.

8.    L’activité inventive signifie qu’en plus d’être nouvelle par rapport à ce qui existe déjà, votre invention ne doit pas être une variante évidente de ce qui existe déjà.

Cette condition est donc plus exigeante que la nouveauté. Ainsi, un produit, un procédé ou un dispositif nouveau ne sera pas brevetable s’il n’est qu’une variante évidente d’un produit préexistant.

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles