Location de voitures et droit d’auteur

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En bref :

L’avocat général Szpunar vient de rendre ses conclusions dans une affaire intéressante (C‑753/18) à propos d’éventuels droits d’auteur à payer par les sociétés de location de voitures.

Les faits à l’origine de cette affaire sont le suivants. En Suède, des organismes de gestion collective estiment que les sociétés de location de voitures posent des actes de communication au public d’oeuvres au sens du droit d’auteur au motif que les véhicules loués sont équipés d’autoradios.

Ces sociétés de location de voitures contestent ceci et refusent de payer les redevances réclamées par les organismes de gestion collective.

La question est arrivée devant la Cour de justice et l’enjeu du litige est donc de savoir si le fait que les véhicules loués soient équipés d’autoradios implique que les sociétés de location de voitures posent un acte de communication au public au sens du droit d’auteur lorsqu’elles louent leurs voitures.

En d’autres termes, est-ce que la location d’un véhicule équipé d’un autoradio (ce qui permet d’écouter des oeuvres au sens du droit d’auteur) équivaut à un acte de communication au public au sens du droit d’auteur (dans le chef du loueur de voitures) ?

Si la réponse est affirmative, alors les sociétés de location de voitures doivent payer des droits aux organismes de gestion collective.

Si la réponse est négative, aucun paiement n’est dû.

La question peut paraître étonnante pour celui qui n’est pas familier avec le droit d’auteur, mais il faut savoir, par exemple, que l’hôtelier qui met, dans les chambres d’hôtel qu’il loue, des postes de télévision à disposition de ses clients est considéré comme effectuant une communication au public au sens du droit d’auteur ; et doit, à ce titre, payer des droits d’auteur aux organismes de gestion collective.

Au point 25 de ses conclusions, l’avocat général Szpunar rappelle d’ailleurs cette jurisprudence applicable aux hôteliers: “Ainsi, la Cour a considéré que constitue une communication au public le fait pour un établissement hôtelier de donner accès à ses clients à des objets protégés en plaçant des postes de télévision dans les chambres et en distribuant au moyen de ces postes le signal de télévision capté par l’antenne centrale”.

Or, les similitudes sont frappantes entre l’hôtelier qui met à disposition des postes de télévision dans les chambres qu’il loue (et qui doit, pour ce fait, s’acquitter de droits) et le loueur de voitures qui met à disposition des autoradios dans les voitures qu’il loue à ses clients.

Malgré ces similitudes, l’avocat général Szpunar invite, sur la base d’arguments assez techniques, la Cour de justice à distinguer les deux cas et à laisser en dehors du champ de la communication au public et donc du champ du droit d’auteur “la location de véhicules équipés de postes de radio”.

Si la Cour de justice suit l’avocat général, les sociétés de location de voitures ne devront donc pas payer de droits d’auteur, contrairement aux hôteliers. Reste à voir si la Cour suivra vraiment son avocat général…

Je reviendrai en détail sur cette affaire et sur les différents arguments lorsque la Cour de justice aura pris position.

En attendant, si vous êtes intéressés par la question de la communication au public en droit d’auteur, je vous renvoie à mon article intitulé Le droit de la communication au public après l’arrêt Reha Training (C-117/15)

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles