Le droit d’auteur en définitions

Cet article aurait très bien pu s’appeler “le droit d’auteur en mots-clés” ou “le droit d’auteur en résumé” ou encore “le petit lexique du droit d’auteur”.

L’objectif est de donner ici, dans un ordre logique, un bref résumé schématique du droit d’auteur, accessible à tous.

Des renvois vers des articles plus étoffés sont, à chaque fois, proposés pour vous permettre d’approfondir l’un ou l’autre sujet. Il suffit de cliquer sur les mots soulignés en couleur !

Image par FelixMittermeier de Pixabay 

Droit d’auteur :

Le droit d’auteur est une branche de la propriété intellectuelle et, en particulier, de la propriété littéraire et artistique, qui régit les oeuvres et leurs créateurs (les auteurs). Il faut remarquer que, contrairement aux autres droits intellectuels, l’appellation “droit d’auteur” fait directement référence à la personne du créateur (l’auteur) ; on dit le “droit d’auteur” et non “le droit des oeuvres” (vs. le “droit des brevets” et non “le droit des inventeurs”). C’est que, contrairement aux autres droits intellectuels, le droit d’auteur est un droit très personnaliste, qui protège la personne de l’auteur avant tout. Les droits moraux inaliénables en sont la parfaite illustration : ces droits restent, quoi qu’il arrive, dans les mains de l’auteur, lequel ne peut pas les céder.

Oeuvre :

En droit d’auteur, la notion d’oeuvre renvoie aux oeuvres littéraires et artistiques entendues au sens large, en ce compris les oeuvres scientifiques, les programmes d’ordinateur, les bases de données. La notion d’oeuvre au sens du droit d’auteur ne se confond pas avec les oeuvres des Beaux-Arts. Des modes d’emploi, des pièces détachées de voitures et des tarifs d’assurance ont déjà été reconnus comme des oeuvres au sens du droit d’auteur. De façon générale, les oeuvres utilitaires et des arts appliqués sont susceptibles de protection par le droit d’auteur, tout comme les oeuvres architecturales (en ce compris, l’architecture d’intérieur). Par contre, les goûts et les saveurs ne sont pas des oeuvres au sens du droit d’auteur (la question reste ouverte pour les fragrances, les parfums et les autres formes d’oeuvres olfactives). Une oeuvre, au sens du droit d’auteur, est nécessairement une création humaine. Une simple création de la nature ou la découverte de quelque chose de préexistant ne constitue pas une oeuvre au sens du droit d’auteur. De même, la création d’un animal ou d’une intelligence artificielle ne donne pas prise au droit d’auteur (à ce jour, en tout cas…).

Originalité :

Condition de la protection d’une oeuvre par le droit d’auteur, l’originalité implique une création intellectuelle propre à l’auteur, c.à.d. une création qui est le résultat des choix libres et créatifs de l’auteur. Les deux adjectifs sont importants : (i) l’auteur doit être libre dans l’acte de création (il doit disposer d’une marge de manoeuvre pour s’exprimer ; ne pas être totalement contraint) et (ii) l’auteur doit faire preuve de créativité.

Un paparazzi qui prend une photo n’est, en principe, pas libre dans l’acte de création (il est contraint par la scène ou la star qu’il veut photographier “sur le fait”) et ne peut pas faire preuve de créativité (il photographie la scène telle qu’elle se présente sous ses yeux). Pas d’originalité donc ! Même chose pour une photographie banale d’une bouche de métro (il n’y a rien de créatif). A l’inverse, le photographe qui demande à Jimi Hendrix de prendre une certaine pose (expirer une bouffée de cigarette, faire un demi-sourire, avoir les yeux-mis clos, soutenir le bras gauche au niveau du coude, etc.) intervient de façon originale, sans être contraint, au niveau de la mise en scène et sur le rendu final de la photographie. Ce faisant, le photographe a pu s’exprimer de façon créative et sa photographie a été jugée originale.

Attention, l’originalité n’est pas synonyme de nouveauté (une oeuvre nouvelle peut ne pas être originale ; et une oeuvre qui n’est pourtant pas inédite peut, dans certaines conditions, être originale). La banalité exclut l’originalité.

Idées :

Les idées, même originales, ne sont pas protégées par le droit d’auteur. Comme l’écrivait Henri Desbois, “les idées, comme telles, échappent à toute appropriation, car, par nature, elles sont destinées à la libre circulation” (Propriété littéraire et artistique, Librairie Armand Colin, Paris, 1953, p. 10). Tout ce qui est (purement) idéel ou conceptuel n’est pas, en soi, protégeable par le droit d’auteur. Seule la mise en forme de l’idée (sa concrétisation dans une forme particulière) est susceptible de protection. Les idées, les concepts, les méthodes… ne sont donc pas, à l’état brut, des oeuvres au sens du droit d’auteur.

En pratique, la frontière entre l’idée et la mise en forme de l’idée n’est pas toujours aisée à tracer (c’est à examiner au cas par cas). Un exemple qui est souvent cité pour illustrer la frontière entre l’idée (non protégeable) et la mise en forme de celle-ci (protégeable) est à trouver dans l’emballage par Christo du Pont-Neuf à Paris :

  • En emballant concrètement le Pont-Neuf d’une certaine façon, Christo a réalisé une mise en forme concrète originale. Le Pont-Neuf tel qu’ainsi emballé par Christo a été protégé par le droit d’auteur et ceux qui ont voulu photographier ce pont “emballé” par Christo ont rencontré des problèmes de droit d’auteur (car photographier, c’est reproduire ; or, pour reproduire, il faut l’autorisation de l’auteur).
  • Par contre, Christo n’a pas pu s’opposer à ceux qui ont voulu emballer d’autres ponts. Simplement parce que le fait d’emballer un pont est un concept, et que personne ne peut monopoliser le concept abstrait d’emballer un pont.

Auteur :

L’auteur au sens du droit d’auteur est toujours l’auteur originaire, c.à.d. la personne physique qui crée l’oeuvre, qui la façonne et lui confrère son originalité. Les personnes morales, les employeurs, les commanditaires, les donneurs d’ordre, les producteurs, les promoteurs, les éditeurs… ne peuvent être que des titulaires dérivés des droits d’auteur patrimoniaux (à condition d’obtenir une cession de droits expresse à leur profit ; à prouver par écrit contre l’auteur). Quoi qu’il arrive, les droits moraux restent toujours dans les mains de l’auteur originaire. Il ne faut pas confondre l’auteur et l’artiste interprète ou exécutant : l’auteur est celui qui crée l’oeuvre (droit d’auteur), alors que l’artiste est celui qui interprète ou exécute l’oeuvre (droit voisin).

Droits de l’auteur :

Les droits de l’auteur sont les prérogatives dont dispose l’auteur sur son oeuvre (à condition qu’elle soit protégée, donc originale). Il existe deux grandes catégories de prérogatives : les droits patrimoniaux et le droits moraux.

Droits patrimoniaux :

  1. Le droit de reproduction, en ce compris, les reproductions intellectuelles comme le droit de traduction et le droit d’adaptation ; ainsi que les droits de location et de prêt.
  2. Le droit de communication au public, en ce compris la mise à disposition du public “on demand”.
  3. Le droit de distribution au public (par la vente ou autrement).

Droits moraux :

  1. Le droit à la paternité de l’oeuvre – l’auteur a le droit de revendiquer la paternité de son oeuvre et de voir son nom associé à l’oeuvre ; ou, au contraire, de rester anonyme ; il peut également choisir de divulguer son oeuvre sous un pseudonyme.
  2. Le droit de divulgation – l’auteur choisit à quel moment et à quelles conditions son oeuvre peut être divulguée.
  3. Le droit à l’intégrité – l’auteur peut s’opposer à toute modification apportée à son oeuvre sans son accord.

Durée :

La durée de la protection par le droit d’auteur se calcule en fonction du décès de l’auteur de l’oeuvre. Cette durée s’étend jusqu’à 70 ans après le décès de l’auteur. Autrement dit, depuis la création de l’oeuvre et jusqu’à 70 ans après la mort de son auteur, cette oeuvre est protégée par le droit d’auteur. Après ce terme de 70 ans, on dit que l’oeuvre entre dans le domaine public.

Peu importe donc la date de création (ce n’est pas 70 ans à compter de la date de création !), ce qui compte c’est la date de décès de l’auteur.

Exemple : si un auteur écrit une oeuvre à 25 ans et une autre à 80 ans, les deux oeuvres tomberont dans le domaine public en même temps : 70 ans après la mort de leur auteur.

S’il y a plusieurs auteurs pour une même oeuvre (ce que l’on appelle une oeuvre de collaboration), l’oeuvre sera protégée jusqu’à 70 ans après la mort du dernier co-auteur.

Cession :

Acte par lequel l’auteur cède (tout ou partie de) ses droits d’auteur à un tiers. Seuls les droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une cession (les droits moraux étant inaliénables). La cession doit répondre aux exigences de l’article XI.167 du Code de droit économique et notamment détailler de façon précise (i) les droits ainsi que les modes d’exploitation faisant l’objet de la cession, (ii) la durée de la cession (cela peut être toute la durée de protection), (iii) l’étendue géographique de la cession (cela peut être le monde entier), (iv) le caractère exclusif ou non de la cession, (v) la rémunération (forfaitaire, proportionnelle, mixte, le mode de calcul, etc.) ou, au contraire, l’absence de rémunération (mais cela doit être prévu expressément ; si rien n’est dit à propos de la rémunération ou de l’absence de rémunération, on ne peut pas interpréter la cession comme étant faite à titre gratuit).

La législation évoque souvent de façon générique la cession, mais en pratique l’on distingue la cession (= aliénation définitive et irrévocable de tout ou partie des droits) de la licence (= concession temporaire – donc pour une durée déterminée – de tout ou partie des droits). La terminologie (cession ou licence) n’est toutefois pas déterminante. Il faut examiner in concreto ce que prévoit le contrat ou l’écrit pour déterminer s’il s’agit d’une cession (définitive) ou d’une licence (temporaire).

Contrairement à une idée fausse fréquemment répandue, les employeurs et les donneurs d’ordre ne sont pas automatiquement propriétaires des droits sur les créations de leurs travailleurs et créateurs sur commande. Les employeurs et donneurs d’ordre ont donc, eux aussi, besoin d’une cession expresse à leur profit pour pouvoir exploiter les créations réalisées par leurs travailleurs et créateurs sur commande. En matière de relations de travail et de commande, l’article XI.167 du Code de droit économique prévoit certes un formalisme assoupli pour la cession des droits, mais ce formalisme assoupli impose, malgré tout, une cession expresse et la preuve écrite de celle-ci. Sans écrit constatant expressément la cession, l’employeur ou le donneur d’ordre ne disposera donc pas des droits d’auteur (patrimoniaux), et ce même s’il a payé un salaire ou un prix pour la commande !

Contrats relatifs aux droits d’auteur :

En dehors des cessions de droits d’auteur prévues par l’article XI.167 du Code de droit économique, notre législation a régi de façon spécifique plusieurs contrats relatifs aux droits d’auteur.

Le plus connu est certainement le contrat d’édition. Contrairement à une idée reçue, ce contrat ne vise pas uniquement l’édition de livres, mais peut s’appliquer à tout type d’oeuvres (musicales, logicielles…). Ce qui caractérise le contrat d’édition, ce n’est pas uniquement une cession de droits d’auteur (notamment du droit reproduction et du droit de distribution au public), mais c’est également une obligation pour l’éditeur de fabriquer des exemplaires de l’oeuvres et de distribuer ces exemplaires au public (les vendre), le tout aux seuls frais de l’éditeur. Dès le moment où l’éditeur n’a pas l’obligation d’éditer, ce n’est pas un contrat d’édition. De même, dès le moment où l’auteur finance l’édition (fût-ce en partie ou de façon indirecte), il ne s’agit pas d’un contrat d’édition (mais d’un contrat à compte d’auteur). L’obligation d’éditer (c.à.d. de fabriquer les exemplaires de l’oeuvre et de les distribuer) est, dans un contrat d’édition au sens de la loi, une véritable obligation de résultat pour l’éditeur. L’éditeur doit même le faire avant un certain délai ; à défaut, l’auteur pourra réclamer et reprendre ses droits.

Une question épineuse émerge de plus en plus : le contrat d’édition au sens de la loi s’applique-t-il aux éditions dématérialisées (par ex. aux e-Books) ? La question est très délicate car notre législation date du début des années 90. Or, à l’époque, la question n’a pas été envisagée. Par ailleurs, les dispositions régissant le contrat d’édition au sens légal du terme ne sont pas adaptées à l’édition dématérialisée (la notion de fabrication d’exemplaires a peu de sens sur Internet). Enfin, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne vient également jeter le trouble puisque la Cour a jugé que la mise à disposition d’e-Books en ligne n’était pas un acte de “distribution” mais un acte de “communication au public” (CJUE, 19 décembre 2019, C-263/18, arrêt Tom Kabinet). Selon la Cour de justice, la “distribution” (à l’inverse de la “communication au public”) ne peut faire référence qu’à la distribution d’exemplaires matériels ou physiques. Or, le contrat d’édition au sens belge du terme implique un acte de “distribution”. Une réforme législative sur ce point serait utile ; tout comme ce fut le cas en France, où il a été considéré que la législation existante en matière de contrat d’édition n’était pas adaptée à l’édition dématérialisée ou en ligne.

Contrefaçon :

La contrefaçon peut se définir comme tout acte de violation d’un droit d’auteur.

Elle peut également se définir comme toute exploitation d’une oeuvre protégée par le droit d’auteur sans l’autorisation de l’auteur ou du titulaire dérivé des droits d’auteur.

La contrefaçon ne se résume donc pas uniquement à la copie servile, comme les fausses lunettes ou les fausses chaussures arrêtées à la douane !

La contrefaçon peut viser la copie servile, mais également la copie intellectuelle ou l’adaptation (par ex. une traduction non autorisée d’un roman ou la réutilisation non autorisée, fût-ce en partie, d’un logo sur un site Internet).

Le fait pour un éditeur de modifier l’ouvrage qu’il doit éditer sans l’autorisation de l’auteur peut aussi être un acte de contrefaçon (violation du droit patrimonial d’adaptation et violation du droit moral à l’intégrité).

En clair, la “contrefaçon” est un terme juridique qui s’emploie pour désigner toute violation d’un ou plusieurs droits d’auteur. Etant encore précisé que se terme s’emploie au-delà même du droit d’auteur dans tous les champs de la propriété intellectuelle : la violation d’un brevet, d’une marque ou d’un modèle constitue un acte de contrefaçon ; et là aussi, il n’est pas nécessairement question de copie servile (ex. l’usage d’un signe peut être jugé contrefaisant, même si ce signe n’est pas strictement identique à la marque antérieure enregistrée ; le droit des marques permettant de s’opposer aux signes identiques, mais également aux signes similaires).

Enfin, un grand principe en matière de propriété intellectuelle (en général) et en droit d’auteur (en particulier), est que la contrefaçon se juge davantage sur base des ressemblances que sur base des différences. Ce qui illustre, là encore, le fait que la contrefaçon n’implique pas une copie servile.

Des questions ?

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Si vous voulez en savoir plus sur ma pratique d’avocat en droit d’auteur, c’est ici ; et sur ma pratique d’avocat en propriété intellectuelle, c’est .

Je vous renvoie également à mon livre, Le droit d’auteur en questions, sorti en septembre 2022.

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles