Jurisprudence marquante de la CJUE en 2014 (IP, IT et droit de l’internet)

On m’a demandé récemment quelle avait été, selon moi, la jurisprudence marquante de la Cour de justice de l’Union européenne en 2014 en matière de propriété intellectuelle, de technologie de l’information et/ou de droit de l’internet.

Sans avoir besoin de trop réfléchir, quatre arrêts me sont immédiatement venus à l’esprit.

D’abord, l’arrêt Google Spain SL, Google Inc. / Agencia Española de Protección de Datos (C-131/12) en matière de droit à l’oubli.

Aux termes de cet arrêt, la CJUE a décidé que l’exploitant d’un moteur de recherche (comme Google) peut, dans certaines conditions et circonstances, et ce au nom du droit au respect de la vie privée et/ou du droit à la protection des données à caractère personnel, être obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne sur ce moteur de recherche, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, même si ce nom ou ces informations ne sont pas effacés préalablement ou simultanément de ces pages web, et même si leur publication en elle-même sur lesdites pages est licite.

Ensuite, l’arrêt Svensson (C‑466/12) en matière d’hyperliens.

Cet arrêt était attendu de longue date, car cela faisait longtemps que se posait la question de savoir si un hyperlien pointant vers une œuvre protégée par le droit d’auteur constitue, ou non, un acte de communication au public au sens du droit d’auteur. Même si je ne partage pas l’opinion de la CJUE sur le plan du « nouveau public » (je renvoie à ce propos, notamment, à l’opinion de l’ALAI) et même si je pense, à titre personnel, que cet arrêt est intimement lié au contexte factuel dans lequel il a été rendu (et que sa portée ne doit donc pas être exagérée), il me semble qu’il s’agit là d’un arrêt marquant de l’année 2014. Je rappelle, à ce sujet, que la CJUE y a décidé que « le fait de fournir des liens cliquables vers des œuvres protégées doit être qualifié de «mise à disposition» et, par conséquent, d’«acte de communication» » au sens du droit d’auteur, confirmant par là la très large acception de la notion de « communication au public ».

Il y a également l’arrêt ACI Adam c. Stichting de Thuiskopie (C-435/12), que j’ai déjà commenté ici. Pour rappel, la CJUE y a décidé que l’exception de copie privée ne s’applique qu’aux reproductions effectuées à partir d’une source licite. Attention donc au téléchargement illégal!

Enfin, l’arrêt UPC Telekabel (C-314/12) relatif aux injonctions qui peuvent être imposées aux fournisseurs d’accès à internet en cas d’atteinte portée par un tiers à des œuvres protégées par le droit d’auteur. L’un des apports importants de cet arrêt réside dans le fait que le juge national, imposant une  injonction à un fournisseur d’accès à internet d’interdire l’accès à ses clients à un site internet mettant illégalement à disposition du public des œuvres protégées par le droit d’auteur, n’est pas obligé de préciser ou de détailler les mesures techniques que ce fournisseur d’accès à internet doit prendre pour empêcher à ses clients d’accéder à ces sites illicites. Ce sera donc, à l’avenir, aux fournisseurs d’accès à internet de décider, eux-mêmes, des mesures techniques les plus efficaces pour empêcher ou rendre plus difficiles les consultations non-autorisées des œuvres protégées par le droit d’auteur par leurs abonnés.

Voilà donc pour moi les quatre arrêts marquants rendus en matière d’IP, IT et droit de l’internet en 2014 (j’aurais pu y ajouter l’arrêt Bob et Bobette abordé ici et ici, et commenté ; mais il faut faire des choix…).

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles