Droit d’auteur : logiciels et fonctionnalités

Image par fancycrave1 de Pixabay

Rappel quant au champ de protection des programmes et logiciels

Le droit d’auteur protège les programmes d’ordinateur et les logiciels ; mais pas les fonctionnalités de ces programmes d’ordinateur et logiciels.

En effet, les fonctionnalités sont vues comme de simples idées.

Or, l’un des grands principes du droit d’auteur est l’impossibilité de protéger de simples idées.

Ce qui est susceptible de protection par le droit d’auteur concernant un programme d’ordinateur, un logiciel, un site web ou une application mobile, c’est :

  • D’une part, le code ou le matériel de conception préparatoire (c.à.d. tout le travail préparatoire, pas encore formalisé sous forme de code, mais qui permet de façon suffisamment précise d’arriver, à un stade ultérieur, à un programme, un logiciel, un site, une application, etc.). A propos de la difficulté d’identifier avec précision la notion de matériel de conception préparatoire, je vous renvoie à mon article intitulé Le droit d’auteur et le matériel de conception préparatoire d’un programme d’ordinateur
  • D’autre part, les aspects graphiques, vidéos, textuels… incorporés au programme, au logiciel, au site web ou à l’application.

Il découle de ce qui précède que rien n’interdit à un tiers de réaliser exactement le même programme que vous en termes fonctionnels, pour autant que ce tiers (i) ne copie pas votre code ou votre matériel de conception préparatoire et (ii) ne copie pas vos aspects graphiques, vidéos, textuels…

Il n’est donc pas possible, en l’état actuel du droit, de se plaindre, avec succès, d’un programme (ou d’un logiciel, d’un site, d’une application…) dont les seuls points communs avec le vôtre seraient fonctionnels ou conceptuels.

Ce rappel utile étant fait, je voudrais aujourd’hui partager avec vous quelques exemples pour mieux comprendre l’exclusion des fonctionnalités du champ de la protection.

Les “Stories” de Snapchat

C’est parce que les fonctionnalités ne sont pas susceptibles de protection par le droit d’auteur qu’Instagram, puis Facebook, ont pu, sans risque, copier la fonctionnalité “Stories” de Snapchat, fonctionnalité qui faisait pourtant toute l’originalité de Snapchat.

Cette copie n’est pas, en soi, répréhensible. Elle ne l’aurait été que si Instagram et/ou Facebook avaient plagié le code de Snapchat en lien avec cette fonctionnalité.

Le bouton “Like” ou “J’aime”

Autre exemple, toujours en lien avec les réseaux sociaux : le bouton “Like” ou “J’aime”.

Un bouton de ce type existe sur de nombreux réseaux sociaux.

Il s’agit d’une simple fonctionnalité.

Le premier à avoir eu l’idée de ce bouton n’a pas pu en revendiquer une protection car précisément ce n’est qu’une simple fonctionnalité.

Une autre question est celle de la mise en forme de ce bouton (par exemple, son aspect graphique). Ainsi, par exemple, le pouce levé matérialisant le bouton “Like” de Facebook, dans son apparence graphique particulière, pourrait éventuellement bénéficier d’une protection par le droit d’auteur.

Google

Si les fonctionnalités avaient été protégeables, Google n’aurait vraisemblablement jamais pu supplanter Yahoo ! comme moteur de recherche.

Les “chat” ou “tchat”

Si la fonctionnalité ou le concept de “chat” était, à l’état brut, susceptible de protection, MSN Messenger n’aurait pas pu voir le jour sans l’autorisation du précurseur du “chat” (qui remonte, au moins, au temps du Minitel).

Et ce précurseur du “chat” aurait détenu un très grand pouvoir : il aurait pu donner des licences – ou refuser de les donner – à toute personne qui souhaiterait implémenter (fonctionnellement, indépendamment de la mise en forme) un “chat” (même dans un ensemble plus vaste, avec d’autres fonctionnalités).

Ce précuseur aurait donc eu le pouvoir d’autoriser ou d’interdire (au moins en partie) WhatsApp, Viber, Facebook Messenger, Skype, Slack, les sites et applications de rencontres en ligne et bien d’autres encore (la fonctionnalité “chat” est partout). Même les chatbots comme ChatGPT !

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles