Chips en forme d’anneau : pas de protection par le droit d’auteur

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1. Aujourd’hui, je reviens sur une décision intéressante du Président du tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles du 29 avril 2025 (Ing.-Cons., 2025/2, pp. 439-466).

2. L’une des questions qui se posaient était de savoir si des chips en forme d’anneau peuvent bénéficier de la protection par le droit d’auteur.

Il s’agissait, plus précisément, de chips en forme « annulaire cylindrique ».

Le demandeur revendiquait une protection sur cette forme, en combinaison avec (i) une texture croustillante particulière et (ii) une couleur dorée.

3. Le Président va exclure la protection par le droit d’auteur au motif que :

« la forme n’a rien de particulier, s’agissant d’un simple anneau, que Intersnack qualifie de ‘haut et mince’ (par rapport à quoi ?), mais qui est en fait une forme cylindrique des plus banales.

Les caractéristiques ‘couleur jaune-or’ et ‘texture dure et croustillante ‘ sont également des éléments banals qui découlent de la nature même d’un chips à base de pomme de terre ».

C’est donc le critère de la banalité que le Président va mobiliser pour exclure, en l’espèce, la protection par le droit d’auteur, ce qui ressort également du passage suivant :

« Si tant est qu’il ait, à l’époque, sciemment effectué des choix (les caractéristiques de couleur et de texture sont en effet des caractéristiques naturelles d’un chips), ces choix apparaissent banals, tant en termes de forme, que de texture et de couleur ».

4. Je n’ai bien sûr pas eu accès à l’ensemble du dossier et il ne m’appartient pas de me prononcer sur le fond de celui-ci, mais en lisant la décision je la trouve assez convaincante en droit.

En effet, la condition de protection par le droit d’auteur est l’originalité.

Schématiquement, il ressort de la jurisprudence de la CJUE que l’originalité requiert (i) des choix, (ii) libres et (iii) créatifs.

Même si, à ce jour, la CJUE n’a jamais vraiment défini la notion de créativité, il est généralement admis que la banalité exclut la créativité, et donc l’originalité.

En détail sur ce sujet, voyez mon ouvrage Le droit d’auteur en questions, Anthemis, 2022, n°144 intitulé « La banalité exclut l’originalité ».

En droit belge, un arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2015 (C.14.0262.F) le confirme :

« Elles ne bénéficient pas de cette protection si elles sont banales ».

Du reste, au point 31 de ses conclusions du 8 mai 2025 dans les affaires jointes C‑580/23 et C‑795/23 (Mio et USM Haller), l’avocat général Szpunar indique expressément que les choix banals ne constituent pas des choix créatifs.

5. Je me demande néanmoins si, dans la décision dont nous parlons aujourd’hui, le Président n’aurait pas pu, s’agissant de l’aspect texture (« dure et croustillante »), également faire référence à l’arrêt Levola (C-310/17) de la CJUE.

En effet, la grande chambre de la Cour y a exclu, par principe et de façon générale (c’est-à-dire indépendamment de leur éventuelle originalité), la protection par le droit d’auteur des « saveurs alimentaires », au motif que celles-ci ne sont pas identifiables avec suffisamment de précision et d’objectivité.

Or, la notion de « saveur alimentaire » recouvre aussi la « texture » telle que ressentie en bouche (compar. le point 18 de l’arrêt Levola « impression d’ensemble provoquée par la consommation d’un produit alimentaire sur les organes sensoriels du goût, en ce compris la sensation en bouche perçue par le sens du toucher »).

6. Pour être complet, il faut signaler que cette décision s’est également prononcée sur différents aspects de droit des marques et de concurrence déloyale, qui ne sont pas traités ici car ils nous éloigneraient trop du sujet principal dont je souhaitais vous parler.

Par ailleurs, cette décision fait apparemment l’objet d’un appel.

Affaire à suivre donc !

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Si le sujet des créations culinaires vous intéresse, je vous renvoie à mon article intitulé La protection des créations culinaires par la propriété intellectuelle

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles