L’autorité de la chose jugée en droit des brevets: précisions intéressantes en matière de nullité

Le tribunal de commerce du Hainaut division Mons a, dans une décision du 24 décembre 2015 (disponible sur IE-Forum.be), apporté des précisions intéressantes en matière d’autorité de la chose jugée dans le domaine du droit des brevets.

En l’occurence, le tribunal décide qu’une partie qui est déboutée de sa demande en nullité de brevet (fondée sur le défaut de nouveauté et/ou d’activité inventive) ne peut pas intenter une nouvelle procédure en nullité contre le même brevet (fondée sur les mêmes objections de défaut de nouveauté et/ou d’activité inventive) simplement en invoquant d’autres documents de l’état de la technique, non discutés précédemment.

Selon le tribunal, le simple fait de se référer à ces autres documents de l’état de la technique ne permet pas de contourner ou d’échapper à l’autorité de la chose jugée de la décision précédente, car ces autres documents ne constituent pas, en tant que tels, des faits différents (de ceux invoqués dans l’instance précédente).

Le demandeur en nullité soutenait le contraire, estimant que les documents de l’état de la technique invoqués dans le cadre de la seconde action en nullité n’avaient pas été invoqués dans le cadre de la première action en nullité, et que donc les faits fondant les deux actions en nullité étaient différents et ne pouvaient pas mener à une objection d’autorité de la chose jugée:

« les faits de la cause sont différents dans les deux instances. Les documents établissant l’art antérieur soumis à la cour en 2009 ne sont pas les mêmes que ceux qui sont invoqués dans la présente procédure ».

Mais le tribunal de juger différemment :

« Le tribunal estime que les [demandeurs en nullité] pratiquent une limitation excessive de la notion de faits du litige. Ceux-ci doivent être appréciés de manière générale, à peine de restreindre anormalement l’autorité qui s’attache à la décision rendue.  (…)

Pour le surplus, les faits de la cause ne doivent pas s’apprécier document par document.

Dès lors que la cour d’appel de Bruxelles a considéré que le brevet était valable, au regard de sa nouveauté, de sa clarté et de l’activité inventive dont a fait preuve son auteur, cette décision fait obstacle à ce que la partie perdante tente à nouveau sa chance, quelques années après, en invoquant de nouvelles pièces.

Tout au plus pourrait-elle introduire une requête civile, si les pièces en question avaient été cachées par son adversaire.

Raisonner autrement permettrait à la partie perdante de soumettre indéfiniment sa cause à un autre juge dans le cadre d’une nouvelle procédure, en invoquant des éléments de preuve non soumis au tribunal dans l’instance intérieure ».

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Frédéric Lejeune, avocat au barreau de Bruxelles